Les alertes professionnelles

Dans le cadre de notre mission de veille juridique, nous souhaitons vous informer sur la question des « lanceurs d’alertes » et de l’obligation de mise en place d’une « procédure de recueil des signalements ».

Un « lanceur d’alerte » est toute personne physique qui révèle ou signale, de bonne foi et de façon désintéressée un crime ou un délit/un manquement grave à la loi ou à la réglementation ou bien encore, des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’intérêt général.

la loi prévoit une procédure d’alerte graduée à trois paliers (art.8.). La protection du lanceur d’alerte salarié dépend notamment du respect de cette procédure :

  • Palier 1 – Saisir en premier lieu la voie interne : tout supérieur hiérarchique direct ou indirect, l’employeur ou le référent désigné par l’employeur.
  • Palier 2 – Si l’alerte n’a pas été traitée par la voie interne dans un délai raisonnable, adresser le signalement au régulateur : c’est-à-dire l’autorité judiciaire (procureur, juge) ou administrative (préfet, inspections, agence française anti-corruption, agence régionale de santé etc) ou l’ordre professionnel compétent (ordre des avocats, des médecins, des experts-comptables, des notaires etc.).
  • Palier 3 – Si l’alerte n’a pas été traitée dans un délai de 3 mois, l’alerte peut être rendue publique (média, associations, ONG ou syndicats).

« En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles », le lanceur d’alerte peut saisir immédiatement le régulateur (palier 2) ou la société civile (palier 3). L’Agence Française Anti-corruption (AFA) confirme cette position : « Il est par ailleurs admis que le signalement doit être directement adressé aux autorités judiciaires, administratives ou aux ordres professionnels, lorsque le lanceur d’alerte met en cause la direction et que le destinataire de l’alerte ne dispose a priori pas de l’indépendance nécessaire pour effectuer les vérifications »

Un salarié ou un collaborateur extérieur peut donc être amené à lancer une alerte en raison de faits existants dans son entreprise ou dans l’entreprise utilisatrice :  

  • En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles.
  • Toute personne qui fait obstacle à la transmission du signalement d’une alerte encourt une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros
  • La confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte doit être garantie. Tout élément de nature à identifier celui-ci ne peut être divulgué, sauf à l’autorité judiciaire et avec le consentement de l’intéressé. La diffusion d’éléments permettant l’identification du lanceur d’alerte est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. ( nb : Une même sanction pénale est encourue pour la divulgation de l’identité des personnes visées par le signalement, tant que le caractère fondé de l’alerte n’est pas établi. La divulgation des informations confidentielles recueillies dans le cadre du signalement est aussi sanctionnée par les mêmes peines.)

C’est dans ce contexte réglementaire que les entreprises d’au moins 50 salariés ( en ETP) doivent mettre en place une procédure destinée à recueillir ces alertes, qu’elles émanent soit de leur propre salarié, mais également collaborateurs extérieurs et occasionnels.

Vous devez donc mettre en place une procédure, écrite, qui doit préciser les modalités selon lesquelles l’auteur du signalement :

  • Adresse son signalement au supérieur hiérarchique, direct ou indirect, à l’employeur ou au référent désigné par l’employeur pour être l’interlocuteur privilégié ;
  • Fournit les faits, informations ou documents quel que soit leur forme ou leur support de nature à étayer son signalement lorsqu’il dispose de tels éléments ;
  • Fournit les éléments permettant le cas échéant un échange avec le destinataire du signalement.

La procédure précise également les dispositions prises par l’entreprise :

  • Pour informer sans délai l’auteur du signalement de la réception de son signalement, ainsi que du délai raisonnable et prévisible nécessaire à l’examen de sa recevabilité et des modalités suivant lesquelles il est informé des suites données à son signalement ;
  • Pour garantir la stricte confidentialité de l’auteur du signalement, des faits objets du signalement et des personnes visées, y compris en cas de communication à des tiers dès lors que celle-ci est nécessaire pour les seuls besoins de la vérification ou du traitement du signalement ;
  • Pour détruire les éléments du dossier de signalement de nature à permettre l’identification de l’auteur du signalement et celle des personnes visées par celui-ci lorsqu’aucune suite n’y a été donnée, ainsi que le délai qui ne peut excéder deux mois à compter de la clôture de l’ensemble des opérations de recevabilité ou de vérification. L’auteur du signalement et les personnes visées par celui-ci sont informés de cette clôture.

La procédure écrite doit également mentionner l’existence d’un traitement automatisé des signalements mis en œuvre après mise en œuvre des formalités requises par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (engagement de conformité à la délibération n°2017-191 du 21 juin 2017 ; à défaut de conformité, demande d’autorisation à la CNIL).

Sur cet aspect de la réglementation, nous vous renvoyons au document ci-joint et au site de la CNIL https://www.cnil.fr/declaration/au-004-dispositif-dalertes-professionnelles

Enfin, cette procédure peut être négociée par accord d’entreprise ou bien, être mise en œuvre par décision unilatérale après consultation des instances représentatives du personnel : vous avez le choix de la modalité de mise en place.

Une fois établie, la procédure devra être portée à la connaissance de tous les salariés.

Attention, le Code du travail prévoit deux dispositifs comparables en matière de « danger grave et imminent ainsi qu’en matière de santé publique et d’environnement. » (article L2312-60 du Code du travail) :

  • Le droit d’alerte et de retrait, en effet peut être mis en œuvre par un membre de la délégation du personnel au comité social et économique en cas. Certes les délits financiers ne sont visé, mais les élus du personnel assume déjà une fonction comparable à celle des lanceur d’alerte car ce type de signalement est mise en œuvre au travers de la consignation sur un registre spécial (article D4132-1).
  • En matière d’environnement ou de santé publique, chaque salarié peut inscrire des faits ou des évènements sur un registre spécial tenu par l’employeur (Article D4133-1).

En fonction de la nature de faits, les prérogatives du CSE ou du CHSCT en matière de santé au travail peut conduire à une enquête et une réunion extraordinaire.

 

 

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